susiyin meinte am 1. Apr, 15:37:
la vie en double exile
Qui vit en exil se retrouve dans une situation complexe, tant sur le plan culturel qu’identitaire, continuellement déchiré entre le réconfort qu’apportent les souvenirs du pays natal et la nécessité de se réinventer dans un endroit étranger, entre le désir de rentrer chez soi et celui d’être reconnu au sein d’une nouvelle communauté. Libéré de l’emprise de sa famille, de son milieu, de sa culture, l’exilé a la possibilité de devenir quelqu’un d’autre. Il y a certainement là quelque chose de libérateur, bien qu’une telle situation soit rarement choisie comme telle. Selon Hannah Arendt, la condition de natalité consiste à pouvoir se re-créer soi-même à travers le langage et l’action – non pas en tant que Palestinien, Arménien ou Juif, mais en tant que membre d’un nouvel ordre civique. Or, cette condition comporte également sa part d’oppression. N’ayant pas été choisie, elle transporte avec elle le lourd fardeau de la perte. Et qui a perdu sa famille, sa culture, sa langue, sans parler de son pays se retrouve dépossédé, voguant à la dérive sur les eaux indifférentes et souvent inhospitalières de la diaspora. L’exil rend impuissant, tant sur le plan émotionnel et psychologique qu’économique et politique. C’est entre ces deux pôles – la possibilité de se réinventer soi-même et le fardeau de la perte – que l’exilé doit trouver sa place en tant que sujet.Mona Hatoum a vécu une sorte de double exil. Née en Palestine, elle a grandi à Beyrouth et vit à Londres depuis 1975. Elle a donc passé la plus grande partie de sa vie dans l’univers politique et culturel d’autrui. Depuis plus de vingt ans, dans ses performances, ses vidéos et, plus récemment, dans ses œuvres faites de matières concrètes, elle explore les complexités psychologiques, phénoménologiques et politiques de l’exil. Son travail s’inscrit dans l’hybridité ou l’indéfectible entre-deux de la «culture diasporique», telle que l’a qualifiée Homi Bhabha, là où ni le passé ni le présent, ni le chez-soi ni le non chez-soi, ne peuvent être pleinement vécus. L’œuvre de Hatoum puise loin dans sa propre expérience de l’exil, dans sa nostalgie du pays natal, sa colère et son indignation face à la dépossession de son peuple, son sentiment que le monde est un endroit étrange et souvent hostile. Pourtant, son travail n’est pas à proprement parler autobiographique. C’est plutôt qu’il découle de sa condition d’exilée, qui consiste à habiter deux endroits et aucun, à être à la fois engagée et détachée, marquée par la perte et pourtant stimulée par elle pour créer. Il résulte de tout cela une œuvre unique, dérangeante, et qui, pour emprunter le mot de Bhabha, nous a apporté quelque chose de nouveau. […]
L’auteur enseigne l’art et la théorie de l’art contemporain au programme de maîtrise du Sotheby’s Institute. Il travaille également à l’écriture d’un ouvrage sur la tolérance, dans lequel il s’intéresse, entre autres choses, au rapport entre l’art et la tolérance dans diverses communautés.
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http://www.parachute.ca/108/extraits_2.htm#Noble_a